Après l’atterrissage d’un vol commercial reliant une ville africaine à Kinshasa, le commandant de bord se tenait à la sortie de l’avion pour saluer les passagers à leur descente. Contre toute attente, un homme âgé se tint debout, comme figé, pendant plusieurs secondes, ne parvenant à se rendre à l’évidence de ce qu’il voyait : le (la) pilote était une jeune dame. Une surprise à laquelle il ne s’attendait sûrement pas, allant jusqu’à se questionner à sa descente, comment une femme était arrivée à tenir les commandes d’un Boeing 767 avec la vie de deux cents passagers à son bord. Une réflexion qu’il prit soin bien entendu de taire, attendant d’être arrivé dans l’aérogare et de partager cette « expérience » nouvelle pour lui, avec les autres passagers masculins du vol qui eux, n’y trouvaient rien à redire.
Cet exemple montre l’ampleur des clichés sexistes dans la société congolaise, où la compétence ne semble que s’acquérir qu’en fonction du genre. Pourtant, la RDC a récemment franchi une étape historique en nommant, pour la première fois, une femme au poste de Premier ministre. Si entretemps, de l’eau a coulé sous les ponts, il reste encore du chemin à parcourir.
Bâtisseuses d’avenir
Bien que la politique et d’autres sciences aient commencé à voir émerger de nombreuses femmes prêtes à briser le plafond de verre pour vivre leur passion ; dans le domaine de l’architecture, le combat est encore rude.
Ce métier, idéalisé et auréolé de prestige, a été largement réservé exclusivement aux hommes. Nombreuses sont les jeunes filles découragées dès le lycée, par manque de modèles féminins ou à cause d’une pression sociale omniprésente, à s’y consacrer une fois à l’Université. Du reste, voir une fille y débarquait donnait cours à certaines formes de stigmatisation.
Un contremaitre congolais, interrogé sur la question, semble restreindre là aussi, le rôle des femmes présentes dans cette industrie : « elles n’aiment pas venir sur le terrain et se salir. La plupart du temps, elles font des relevés ou participent aux travaux d’études préliminaires. Elles n’ont pas encore réalisé que l’architecte est avant tout : une personne de terrain. »

Difficile de savoir si ce cas particulier est commun à tous les chantiers de la RDC. C’est à se demander néanmoins si tout architecte doit nécessairement retrousser ses manches et manipuler la pelle pour prouver sa valeur ?
Les ouvriers de maitrises et ceux voués à tous les travaux sont rattachés à des fonctions spécifiques. Dire que les femmes architecte ne savent pas ou ne veulent pas s’investir dans des travaux manuels n’est ni fondé ni un critère d’évaluation crédible.
Heureusement, des femmes congolaises osent défier ces clichés. Elles choisissent l’architecture malgré les regards sceptiques, s’imposant par leur talent et leur ténacité. Les inscriptions féminines augmentent peu à peu dans des instituts comme l’ISAU ou l’INBTP.
L’Association des Femmes Architectes du Congo, a été créée en 2006 pour encadrer la profession en stimulant les jeunes filles à poursuivre leurs études dans cette filière. Nombreuses de ses membres sont actives dans des projets d’envergure comme le Programme de Développement des 145 Territoires, à l’instar de Christine Bulonza dans la province du Mai-Ndombe, Nancy Kabimanya ou encore Detty Numbi Mbabi, Conseillère au Ministère de l’Urbanisme et Habitat du Gouvernement Judith Sumwina.
Une personne faisait remarquer un jour le style et l’esthétique qu’apportent très souvent naturellement les femmes dans la décoration intérieure : « Imaginez maintenant si elle devait construire avec la même perception du beau et du style » ?

Si nous repensions la conception urbaine au féminin, le résultat serait peut être différent dans les villes congolaises.