Kinshasa, 22 août 2025 – Le Centre hospitalier universitaire Renaissance de Kinshasa (ex Maman Yemo) a accueilli ce vendredi le lancement officiel de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel (Smam 2025), organisée par le Programme national de nutrition (Pronanut) en partenariat avec le Ministère de la Santé publique, Hygiène et Prévoyance sociale. Placée sous le thème « Prioriser l’allaitement : tisser des réseaux de soutien durables », cette édition s’inscrit dans un contexte préoccupant : la baisse du recours à l’allaitement exclusif, particulièrement dans les milieux urbains, où les habitudes alimentaires tendent vers la malbouffe et les substituts de lait maternel non contrôlés.
La chute de l’allaitement : un signal d’alarme
Selon les données fournies par le Pronanut, à peine 42 % des nourrissons Congolais de moins de 6 mois bénéficient d’un allaitement exclusif, loin de la recommandation de l’Organisation Mondiale de la Santé qui fixe l’objectif à au moins 70 %. Dans les grandes villes comme Kinshasa, Lubumbashi ou Goma, ce taux chute encore davantage. Plusieurs facteurs expliquent ce recul :
- Urbanisation et des modes de vie précaires : les mères, souvent contraintes par des activités de survie dans le secteur informel, réduisent la durée de l’allaitement pour reprendre rapidement le travail.
- Prolifération des substituts : la publicité et la vente libre de laits industriels ou de bouillies instantanées, souvent mal préparées ou diluées avec une eau non potable, augmentent les risques de diarrhées et d’infections.
- Poids de la malbouffe : la consommation croissante d’aliments transformés (beignets, boissons sucrées, produits importés de bas de gamme) impacte la santé des femmes enceintes et allaitantes, réduisant la qualité nutritionnelle du lait maternel.
Et ce sont les services pédiatriques qui font le constat de tous les dégâts que cela causent sur les enfants. En RDC, près de 40 % des enfants de moins de 5 ans souffrent d’un retard de croissance, selon l’UNICEF, avec une part importante attribuée au sevrage précoce. L’absence d’allaitement exclusif favorise les cas de diarrhée, de paludisme sévère et d’infections respiratoires, premières causes de mortalité infantile dans le pays.
L’introduction trop précoce d’aliments pauvres en fer, zinc ou vitamine A fragilise le développement cognitif des enfants et se répercute sur leurs performances scolaires. Le professeur Jean-Claude Mbayo, pédiatre au CHU Renaissance souligne : « Le lait maternel reste l’aliment le plus sûr et le plus complet pour le nourrisson. En l’abandonnant trop tôt au profit de bouillies industrielles ou de préparations mal contrôlées, nous exposons nos enfants à une spirale de maladies évitables. »
Le paradoxe urbain : entre accès, négligence et mythes
Contrairement aux zones rurales où l’allaitement est encore une pratique dominante par tradition, les milieux urbains voient émerger un paradoxe : les femmes ont davantage accès à l’information médicale, mais subissent la pression de la modernité qui associe l’allaitement prolongé a une forme de pauvreté. Dans certaines familles, donner du lait artificiel à l’enfant est perçu comme un signe d’élévation du statut social.
Même dans les supermarchés, de nombreux produits avariés ou mal conservés représentent des risques qui détériorent la qualité du lait maternel
D’un autre côté, certains hommes voient d’un mauvais œil, l’allaitement prolongé au sein, considérant que cela déformerait la femme. Une fille nous a confié que son copain lui disait que les femmes qui ont les seins tombés ont trop allaité des enfants.
La Banque mondiale estime que la malnutrition coûte à la RDC près de 3 % de son PIB chaque année en pertes de productivité et en dépenses de santé. Promouvoir l’allaitement maternel n’est donc pas seulement un impératif sanitaire, mais aussi un investissement économique et social.
Alors chères sœurs, quoi qu’en pensent certains, prioriser l’allaitement, c’est donner aux enfants un départ sain dans la vie, surtout lors des six premiers mois qui sont déterminants pour garantir qu’ils aient un système immunitaire fort.