Dans un atelier organisé en plein cœur de Kinshasa, le 23 avril 2025, un groupe consultatif de femmes s’est réuni autour d’une problématique tout aussi intrigante que complexe : la réforme du secteur de la sécurité en République démocratique du Congo à travers un regard féminin. Une question cruciale dans un pays où la sécurité reste fragile, et où la participation féminine y est très marginale.

À la tête de cette dynamique, Madame Faïda Mwangila, une militante engagée a rappelé que malgré des avancées législatives, notamment l’article 14 de la Constitution qui garantit la parité, la réalité du terrain est toute autre. Dans les rangs des Forces armées de la RDC (FARDC), la Police, la Direction générale de migration (DGM) ou l’Agence nationale de Renseignements (ANR), les femmes ne représentent que 2,9 % des effectifs, et leur présence dans les postes de commandement est quasiment inexistante.
Cette sous-représentation a poussé la MONUSCO, en collaboration avec la division Réforme du Secteur de Sécurité (RSS) et le Centre de Criminologie de l’Université de Kinshasa, à lancer une étude approfondie pour comprendre les causes de ce déséquilibre. Trois obstacles majeurs ont émergé des conclusions de cette étude et sont d’ordre socio-culturels, économiques et institutionnels.
Les barrières socio-culturelles sont enracinées dans la pensée populaire et perpétuent l’idée que la sécurité est un métier réservé aux hommes. L’image de la femme militaire y est ainsi stigmatisée, présentée comme déconnectée de la vie familiale classique à laquelle elle est supposée être dévolue et perçue comme incompatible avec la maternité.
Madame Faïda souligne l’absurdité de ces préjugés : « Voir une femme militaire, c’est souvent synonyme de rupture dans les familles, comme si son époux perdait en virilité” ».
Les obstacles économiques et institutionnels complètent ce tableau sombre. Le manque de conditions de travail adaptées, d’infrastructures, et la rareté des opportunités d’évolution freinent l’intégration des femmes. Au sein même des institutions, la résistance au changement demeure palpable, avec une faible volonté politique d’améliorer la parité et d’ouvrir des postes de commandement aux femmes.
Malgré ces défis, la rencontre ne s’est pas contenté d’un simple état des lieux, mais a posé les jalons pour la mise en oeuvre d’une feuille de route, portée par la certitude que la présence accrue des femmes dans la sécurité est une condition sine qua non pour une meilleure protection de la population et la consolidation de la paix.
Madame Faïda rappelle avec force que la réforme ne peut être inclusive sans la participation active des femmes, dès l’école primaire, où les enfants devraient apprendre non seulement les grandes figures masculines ayant marqué l’histoire des Forces armées, mais aussi les dames dont l’engagement, passé sous silence, doit bénéficier de la même attention. Elle évoque l’exemple d’une ancienne officier de police qui a œuvré pour la défense des droits des femmes et des enfants et qui est une figure très respectée dans sa communauté.
À l’heure où la RDC aspire à la paix et au développement, cette bataille pour l’égalité dans un secteur clé et aussi sensible que stratégique n’est pas qu’une question de justice sociale. C’est un enjeu déterminant pour bâtir un pays plus sûr, plus inclusif, où femmes et hommes œuvrent côte à côte pour l’avenir.
Dans la lutte contre les préjugés et les discriminations, les femmes dans le domaine de la sécurité traceront la voie d’un changement de paradigme qui portera plus d’espoir et de confiance au service d’une paix durable.
Par David Mpongo